Des dérives dans le domaine du handicap suite à la désinstitutionalisation? : La réponse-en-réseau aux « incasables » qui reconfigure les frontières
Roberto Toledo  1, *@  
1 : EHESS
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS]
* : Auteur correspondant

La manière dont les enfants et les adolescents dits « incasables » mobilisent tout un réseau des dispositifs met en relief certaines dynamiques de l'inclusion scolaire en France. Depuis les années 2000, la scolarisation des élèves en situation de handicap devient une priorité nationale. Dans un optique de désinstitutionalisation, la classe ordinaire est privilégiée dans la mesure du possible. Nous montrerons que la reconfiguration institutionnelle autour de l'inclusion scolaire en France a été modulée par la problématique des « troubles du comportements » dits « perturbateurs », et notamment par les « cas lourds » des enfants et les adolescents à l'extrême du spectre de tels troubles nommés les « incasables ».

La notion controversée d'« incasable »—héritier de la clinique de la psychopathie infantile—met en avant l'incapacité de toute institution de contenir ces « patates chaudes ». Selon un rapport de 2008 : « Les jeunes dits ‘incasables ; sont une ‘population à la limite des institutions' dont les caractéristiques et les besoins spécifiques relèvent en général de plusieurs modes de prise en charge (sanitaire, sociale, médico-sociale, judiciaire) et qui, le plus souvent, ont mis à l'épreuve, voire en échec, des équipes professionnelles successives dont le cadre de travail ne convenait pas à leur problématique situationnelle ».

Nous avons compilé une liste de chaque dispositif lié à la prise en charge des « incasables » représenté ou cité de façon récurrente par les stagiaires ou par les intervenants participant à trois formations qui ont eu lieu entre 2008 et 2011 à l'INSHEA sur les troubles du comportements dits perturbateurs. Ainsi, nous avons pu dessiner les contours de tout un réseau de l'« inclusion scolaire » qui prend la forme d'une série de cercles concentriques gravitant autour de la classe ordinaire et s'étendant jusqu'à la prison pour mineurs.

Notre cartographie nous permet de tirer deux conclusions concernant la désinstitutionalisation du domaine du handicap : (1) Une nouvelle logique de parcours assouplit les frontières du « handicap » en introduisant de la réversibilité et une zone d'ombre entre le social et le médical. (2) La politique de l'inclusion scolaire, axée sur l'accessibilité à une scolarisation adaptée et à des soins psychiques, touche autant les prisons pour mineurs que la classe ordinaire.

Dans cet optique, la problématique posée par les « cas lourds » autrement appelés les « incasables » a aidé à renouer des liens entre plusieurs domaines ministériels au sein du champ du handicap, notamment via un réseau des dispositifs pluridisciplinaires intégrant des professionnels de la santé, de l'éducation, du social et de la justice. En 2012, la « Commission cas lourds » du Conseil Général de la Loire a été rebaptisée la « Commission permanente de mise en réseau », soulignant sa mission de « briser la spirale des exclusions » et de « garantir au jeune un environnement multiforme, mais solide et stable ». Finalement, cette désinstitutionalisation, éliminant les frontières rigides pour mieux répondre aux « incasables », instaure un nouveau modèle d'institution totale : une large toile d'araignée qui ne laisserait aucun enfant ou adolescent passer entre les mailles du filet, y compris les plus difficiles à prendre en charge.

Actes du colloque inaugural de l'INSHEA (2006), La scolarisation des élève en situation de handicap ou de difficulté́.

Barreyre, J.Y. et al. (2009). « Une souffrance maltraitée. Parcours et situations de vie des jeunes dits ‘incasables' »
Liaboeuf, P. (2005).
Organiser un dispositif d'accueil pour les adolescents dits « cas lourds » à partir d'une MECS


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