Vers une « détotalisation » des ESMS ? Ethnographie d'une équipe mobile d'appui médico-social pour la scolarisation des enfants en situation de handicap (EMAS)
Godefroy Lansade  1@  
1 : Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et Sociales de Montpellier
Université Paul-Valéry - Montpellier 3 : EA4424

Dans le droit fil des prescriptions onusiennes portées par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, le « virage inclusif » pris par la France à l'égard des personnes reconnues handicapées soumet les établissements médico-sociaux à des transformations sans précédent afin de répondre au plus près des besoins et intérêts de leurs publics. La circulaire du 2 mai 2017 relative à « la transformation de l'offre d'accompagnement des personnes handicapées dans le cadre de la démarche "une réponse accompagnée pour tous" » a pour objectif de traduire cette volonté en actes. Dans le même temps, un terme revient avec une fréquence qui ne peut laisser indifférent, celui de « désinstitutionnalisation ». La Rapporteuse spéciale pour les droits des personnes handicapées de l'ONU rappelle à cet égard que « La désinstitutionalisation des enfants handicapés devrait-être une priorité [...] » (2017), elle recommande de « fermer les institutions médico-éducatives existantes et de scolariser tous les enfants handicapés qui s'y trouvaient dans les établissement ordinaires ».

On l'aura compris, l'usage du terme de désinstitutionnalisation est mobilisé ici pour signifier que les personnes reconnues handicapées ne doivent plus être prises en charge de manière exclusive par une institution qui se comporterait en « institution totale » (Goffman, 1968). Sans doute est-il alors moins question de désinstitutionalisation des élèves reconnus handicapés que d'une « trans-institutionnalisation », l'enjeu étant de leur permettre d'avoir une place au sein de l'École républicaine. Il s'agit de mettre fin au traitement « à part » et à l'emprise que peuvent avoir les établissements spécialisés sur leurs publics.

À la lumière d'une enquête ethnographique actuellement en cours depuis juin 2020, cette communication a pour ambition de rendre compte du processus de transformation de l'offre médico-sociale à travers l'observatoire privilégié que représente la mise en place d'un dispositif nommé EMAS implanté dans un ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique). Dispositif dont l'objectif est de soutenir l'inclusion des élèves reconnus handicapés au sein des établissements ordinaires afin de limiter (voir supprimer) les orientations de manière exclusive en établissements spécialisés. Il s'agit pour ces équipes mobiles de privilégier une logique de territoire dans le but d'accompagner les enfants et les adolescents sur leurs lieux de vie, dont fait partie l'école. Ces dispositifs ont-ils dès lors sonné le glas des établissements spécialisés tel que souhaité par la Rapporteuse de l'ONU ou plus précisément de leur « détotalisation » (Rostaing, 2009) ?

Après avoir au préalable déplié le contexte qui a conduit à l'émergence des EMAS, défini ses enjeux et ses missions et le public à qui elles s'adressent, les premiers résultats de cette recherche en « train de se faire » devraient pouvoir permettre de montrer s'il s'agit-il d'une transformation radicale des ESMS, d'un rapprochement avec les autres institutions, de la mise en place d'une nouvelle organisation ou de simples ajustements à un contexte particulier ? Enfin, ce mouvement de transformation de l'offre médico-sociale doit-il se comprendre comme une manière de prendre ses distances avec une « anthropologie disjonctive » (Genard, 2009), fondée sur la distinction et l'exclusion des individus ?

 

 



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