Selon le Parlement européen (2018), 34% des femmes en situation de handicap rapportent avoir vécu de la violence physique ou psychologique. Au Québec et au Canada, les femmes en situation de handicap (FSH) sont près de deux fois plus susceptibles que les femmes sans incapacité d'être victimes de violence (Statistiques Canada, 2014). La violence envers les FSH peut prendre des formes variées et spécifiques au handicap; la nature même des soins requis par les FSH contribue à les exposer à l'abus de la part de leur partenaire ou d'un préposé. Différentes craintes de la part des FSH entourent la perspective de quitter une relation abusive: peur d'une plus grande pauvreté, de perdre son assistance personnelle, de se retrouver seule ou encore d'être placée en institution. Au Québec, la majorité des refuges et des maisons d'hébergement pour femmes ne peuvent les accueillir et des lacunes importantes dans les connaissances, pratiques et attitudes existent chez les intervenants, les premiers répondants et chez les professionnels de la santé et des services sociaux. La question de la violence faite aux femmes entre alors en intersection avec la question du handicap et un nécessaire re-questionnement des institutions impliquées et du capacitisme baignant encore les pratiques et les services.
Notre recherche-action, initiée par notre partenaire le RAPLIQ (Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec), constitue une démarche originale et participative visant à établir la trajectoire vers la sécurité et le bien-être des FSH vivant de la violence conjugale et ce, en collaboration avec un réseau d'acteurs montréalais concernés par le phénomène: maisons d'hébergement pour femmes, services policiers, services municipaux, réseau de la santé et des services sociaux, et chercheuses. En plus d'ateliers de travail avec ces acteur·trices, bâtis sur les principes de la recherche-action participative, nous conduisons des entretiens semi-dirigés avec des femmes en situation de handicap et ayant vécu de la violence conjugale, ainsi qu'avec des directrices de maisons d'hébergement.
De quelles manières les représentations de l'autonomie et du handicap sont-elles mobilisées par les acteurs·trices concerné·es dans leur recherche de solutions face à la sortie de violence des femmes en situation de handicap? Comment les partenaires impliqué·es, y compris les femmes concernées, tentent-ils de recomposer une autonomie de fait entre les différents dispositifs concernés afin de tracer une trajectoire vers la sécurité et le bien-être? Nos résultats préliminaires nous indiquent qu'une diversité de représentations de l'autonomie chez les acteur·trices impliqué·es s'articulent de différentes manières avec les missions institutionnelles en place : collision, complémentarité, dévolution, négociation, travail en silos. L'originalité et l'apport de ce projet de recherche réside alors dans la documentation des justifications à l'action qui entrent en compte dans les processus collectifs de recherche de solution et d'adaptation institutionnelle.
Garland-Thompson, R. (2002), « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory”, National Women Studies Association Journal, vol. 14 no 3, pp. 1-32.
Masson, D. (2013), « Femmes et handicap », Recherches féministes, vol. 26, no 1, p. 111-129.
Parlement européen (2018), « Résolution sur la situation des femmes handicapées », 29 novembre 2018.
Statistiques Canada, Cotter, Adam (2014) “Violent victimization of women with disabilities”, Accessible à: https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54910-eng.htm#chart-2