Inclusion, activation et les ambivalences de la désinstitutionalisation
Emilie Rosenstein  1, *@  
1 : Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) HES-SO
* : Auteur correspondant

*Thématique b. ou c.

Au cours des dernières décennies, les politiques du handicap ont connu des évolutions paradoxales. D'un côté, on assiste au développement de politiques visant à promouvoir l'inclusion des personnes handicapées et leur participation au sens large, reposant sur la reconnaissance et l'institutionnalisation de revendications émanant le plus souvent de la société civile, relayées par des organes internationaux à l'instar de la CDPH, dans une perspective bottom up qui s'inscrit sur le long terme. De l'autre côté, les politiques du handicap ont également été fortement réorientées autour du paradigme d'activation, soutenu tout particulièrement par l'OCDE à des fins de compétitivité économique et implémenté à court terme selon une logique top down, faisant de l'insertion professionnelle et de la participation sur le marché du travail un objectif prioritaire des politiques du handicap et une injonction pour leurs usagers. Le cas de la Suisse illustre bien ce phénomène avec l'adoption de la première loi fédérale dédiée au handicap en 2004, édictant les aménagements nécessaires à son inclusion (en particulier sous l'angle de l'accès aux transports, au bâti et à la formation, ainsi qu'en matière de non-discrimination), et la même année, l'entrée de l'Assurance-invalidité dans un cycle quasi continu de réformes actives, motivées par un objectif de réduction des dépenses qui réaffirme le primat de la responsabilité individuelle des assurés, leurs devoirs et obligations en matière d'insertion et qui repose essentiellement sur leur capacité à s'adapter et à répondre aux attentes du marché du travail.

Bien qu'ils traitent d'un même public, ces deux courants – celui de l'inclusion et celui de l'activation – sont porteurs de lectures divergentes, voire antinomiques quant à la manière d'appréhender le handicap et sa place dans la société. Le champ des politiques du handicap apparaît ainsi profondément divisé ce qui résulte en des pratiques ambivalentes, notamment en matière de désinstitutionalisation. En effet, si cet enjeu occupe une place de choix dans l'agenda politique de chacun de ces courants, c'est pour des raisons et à des fins radicalement différentes : d'un côté, la désinstitutionalisation est envisagée comme un vecteur d'inclusion, gage d'autodétermination ; de l'autre, elle vise à répondre à un impératif d'économicité dans la droite ligne de la Nouvelle gestion publique. Il apparaît ainsi tout particulièrement important de saisir les registres normatifs qui fondent les transformations contemporaines des politiques du handicap, en particulier en matière de désinstitutionalisation.

C'est précisément l'objet de cette contribution qui se fonde sur un design de recherche mixte appliqué au cas de la Suisse. Les résultats sont issus de plusieurs projets de recherche : Capright (UE FP6 2007-10), WorkAble (UE FP7 2009-12) et le Pôle de recherche national "LIVES - Overcoming Vulnerability : Life Course Perspectives" (FNS 2011-22).

 

Bibliographie indicative

Abbaléa F. (2012). Institutionnalisation, désinstitutionnalisation de l'intervention sociale. Toulouse : Octares.

Ebersold, S. (2001). La naissance de l'inemployable : ou l'insertion aux risques de l'exclusion. Rennes : PUR.

Hirlet, P. & Pierre, T. (2017). Ce que la désinstitutionnalisation de l'intervention sociale fait au travail (du) social !. Sciences & Actions Sociales, 7, 105-115.

Hvinden, B. (2003). The Uncertain Convergence of Disability Policies in Western Europe. Social Policy & Administration, 37(6), 609-624.


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