Les établissements médico-sociaux comme les Foyers ou les Maisons d'Accueil Spécialisés (FAM, MAS) appartiennent à la catégorie des « établissements résidentiels » visés par la critique de la Rapporteuse des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (Conseil des droits de l'homme, 2019) et du Conseil de l'Europe (2012). Ces établissements, dont ces instances réclament la fermeture, auraient pour caractéristique de mettre à l'écart leurs usagers et de limiter leur pouvoir de décision. Cette critique, saluée par certains, est estimée trop radicale par d'autres, qui soulignent notamment la fonction protectrice de ces établissements (Chambrier, Paturet, 2014).
En s'appuyant sur une étude sur la gestion du tabagisme dans dix structures médico-sociales dédiées au handicap psychique (l'étude TABAPSY-Esms) (Saetta et al., Submitted), la communication proposée vise à alimenter ce débat d'éléments empiriques et de l'expertise de différents acteurs (professionnels, usagers, chercheurs). Cette étude, qui a porté sur des « établissements » de résidence (FAM, MAS) et des « services » ambulatoires (Service d'Aide à la Vie Sociale, Service d'Aide par le Travail), a permis de mettre le doigt sur la tension entre autonomie et protection, et sur les effets à la fois protecteurs et délétères des établissements résidentiels en matière de tabagisme.
Par le biais d'entretiens et de questionnaires auprès d'usagers et de professionnels, TABAPSY-Esms a d'abord permis de remarquer que la majeure partie des établissements résidentiels évoluaient à l'écart de la tendance générale à la dénormalisation du tabac (Obradovic, Taiclet, 2017). L'ennui, l'enfermement, des phénomènes d'entraînement ont été cités par des usagers et des professionnels comme des éléments favorisant le tabagisme, ce qui fait écho aux travaux sur le tabagisme en prison (Picot-Ngo, Protais, 2020). La cigarette y était appréhendée comme l'un des rares et derniers plaisirs au sein d'un environnement de privations. Les établissements résidentiels se distinguaient également des services ambulatoires du fait d'une gestion accompagnée du tabac (tant de cigarettes par jour) pouvant s'apparenter à une restriction contraire aux droits fondamentaux. Pour autant, ces restrictions, que certains usagers pouvaient parfois réclamer, avaient pour effet de freiner leur consommation et de les mettre à l'abri de problèmes financiers et de santé. De fait, les analyses multivariées ont permis de constater que les fumeurs en difficultés et en demande d'aide se trouvaient dans les services ambulatoires où aucune régulation du tabac n'était envisagée. Deux établissements résidentiels avaient également mis en place des actions anti-tabac, mobilisant comme levier une dimension collective et un effet d'entraînement. L'un d'entre eux était notamment parvenu à faire adhérer l'ensemble des résidents fumeurs (n=11) à un programme de sevrage, pouvant être appréhendé tant comme une entreprise de contrôle que comme une forme de reprise en main collective des usagers sur leur santé.
Cette étude, cantonnée à la question du tabac, soulève une problématique d'ordre général relative à la tension entre autonomie et protection. À mi-chemin entre l'établissement qui enferme, mais protège, et le service ambulatoire qui autonomise, mais peut conduire à une situation d'anomie, quels dispositifs envisager ? Quels qu'ils soient, ne devront-ils pas être pensés en fonction des souhaits et besoins des personnes directement concernées ?
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