À l'ombre du processus de dés/institutionnalisation, la famille. Éduquer les enfants atteints de déficiences multiples.
Myriam Winance  1@  
1 : INSERM, CERMES3
Inserm, CNRS : UMR8211, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Université Paris V - Paris Descartes

Dans la littérature, le processus de désinstitutionnalisation a souvent été analysé comme un mouvement, né dans les années 1960 dans les pays anglo-saxons, visant à la fermeture des grands établissements d'hébergement et de soin (Henckes, 2018 ; Tossebro, 2016). Peu de recherches se sont intéressées aux relations entre ce mouvement et l'évolution de la famille, qui est elle aussi une institution. Dans ma présentation, je reviendrai sur les relations qui existent entre l'évolution de la famille et l'évolution de « l'institution » (entendue ici au sens d'établissement d'hébergement et de soin). Ma présentation sera basée sur une recherche socio-historique et qualitative concernant l'éducation et le soin aux enfants atteints de déficiences multiples, qui ont, jusque dans les années 1960, été considérés comme inéducables (Winance et Barral, 2013), tant par « l'institution » que par la famille. Toutes deux ont longtemps été des « non-lieux de prise en charge » pour ces enfants, relégués dans des hôpitaux psychiatriques. Les mobilisations associatives ont conduit à transformer « l'institution » et la famille, de manière corrélative. Entre les années 1960 et 2010, en France, un processus « d'institutionnalisation » est ainsi opéré, qui touche tant l'établissement que la famille, transformés en « lieux de soin et d'éducation ». Dans ma présentation, je m'interrogerai sur ce processus corrélatif de transformation, puis, plus spécifiquement, sur le soin et l'éducation tels qu'ils sont mis en œuvre dans les familles. J'analyserai ce soin et cette éducation en termes d'organisations de la prise en charge médico-sociale (social care organisation) (Daly et Lewis, 2000), et monterai que cette organisation articule l'espace familial et des espaces institutionnalisés (sous formes d'établissements et de services), et prend des formes différentes en fonction des époques. Ma présentation s'appuiera sur un corpus de récits écrits et publiés en français par des parents d'enfants atteints de déficiences multiples, entre 1970 et 2014.

Références

Daly, Mary, and Jane Lewis. 2000. "The concept of social care and the analysis of contemporary welfare states." The British journal of sociology 51(2):281-298.

Henckes, N. (2018), ‘Les deux désinstitutionalisations. Psychiatrie, sciences sociales et modernisation après la seconde guerre mondiale', In I. Coutant and S. Wang (eds) Santé mentale et souffrance psychique : un objet pour les sciences sociales, Paris: CNRS Editions, 143-160.

Tøssebro, J. (2016), ‘Scandinavian disability policy: From deinstitutionalisation to non-discrimination and beyond', ALTER-European Journal of Disability Research/Revue Européenne de Recherche sur le Handicap 10(2) : 111-123.

Winance, M. and Barral, C. (2013), ‘From ‘ineducability' to ‘rare disabilities'. Evolution and emergence of political categories involved in shaping the French medico-social sector', ALTER - European Journal of Disability Research / Revue Européenne de Recherche sur le Handicap 7(4): 244-259.


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