Le droit à l'habitat en autonomie des personnes handicapées dans le cadre de la révolution numérique. Une illustration à partir du déploiement des compteurs dits « intelligents » en Région wallonne.
Basil Gomes  1@  , Elisa Boissézon  2, *@  
1 : Université Saint-Louis Bruxelles
2 : Université de Mons
* : Auteur correspondant

Déduite de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ci-après la CDPH) et fortement encouragée par le Comité ad hoc (Ghesquière et al., 2018), la désinstitutionalisation est un processus dont la finalité est la participation de chaque individu à la vie de la société à égalité avec les autres (Bernard, 2020 ; Fiala-Butora et al., 2018 ; Palmisano, 2017). La CDPH stipule le droit pour la personne handicapée de vivre là où elle s'estime le mieux à même de s'épanouir, moyennant un accompagnement individuel pertinent et des transformations appropriées du cadre général de vie, dont le logement (art. 19 combiné à l'article 28, §1 de la CDPH). Cet instrument reconnait donc le droit de vivre chez soi de manière autonome dans une société inclusive (Obs. gén. n° 5). Sans être absolu, le choix de la personne handicapée prévaut, nonobstant les coûts, parfois élevés, pour la collectivité (H.M. contre Suède). 

En parallèle de ce mouvement, se développe une politique de numérisation importante dans tous les domaines de la société, dont l'habitat. L'internet des objets et les évolutions rapides des nouvelles technologies de l'information et de la communication (ci-après les NTIC) tendent à s'accroître dans notre quotidien, tandis que la fracture numérique s'accentue, notamment au détriment des publics fragilisés, comme les personnes handicapées (Balin & Gossart, 2015). Ces évolutions de plus en plus complexes, décidées par les autorités publiques et développées en laboratoires, ne prennent pas nécessairement en compte l'expérience vécue des usagers finaux (Zélem, 2018). En Région wallonne (Décret du 19 juillet 2018), sous l'impulsion d'une directive européenne (Dir. 2009/72/CE), le déploiement généralisé des compteurs dits « intelligents » constitue une bonne illustration de cette problématique car l'utilisation optimale de ces nouvelles technologies exige un équipement numérique. En outre, leur utilisation nécessite des compétences numériques qui dépendent de nombreux facteurs sociodémographiques tels que l'âge, le niveau de diplôme, etc. (Brotcorne & Mariën, 2020). Ainsi, posséder ces appareils ne garantit pas leur utilisation pleine et entière (Ottaviani, 2016) ; dans le contexte du handicap, se pose aussi la question de l'accessibilité des NTIC (Pinède, 2018). 

Notre proposition interroge les tensions qui existent entre le droit des personnes handicapées à l'habitat en autonomie et la numérisation toujours plus exigeante du quotidien. D'une part, nous cherchons à savoir dans quelle mesure les personnes handicapées, qui décident de vivre en dehors des institutions, sont confrontées à la fracture numérique ; d'autre part, il s'agit de mettre en exergue des pistes de solutions d'accompagnement en vue d'une utilisation autonome des NTIC dans leur foyer (Boissézon et al., 2022). L'originalité de ce questionnement se situe à la fois dans son objet et dans sa méthode d'analyse interdisciplinaire, à la croisée du droit et des sciences de l'éducation. À défaut de résultats définitifs, cette réflexion aura le mérite de confronter la désinstitutionalisation à l'aune du défi numérique.



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