L'inclusion modifie-t-elle l'institution scolaire ? Pratiques d'accompagnement des « cas d'élèves » aux prises avec la norme de l'élève « régulier » au lycée français
Lila Le Trividic Harrache  1, 2@  
1 : Centre de Recherche sur lÉducation, les apprentissages et la didactique
Université de Brest, Université de Rennes 2 : EA3875, Institut Brestois des Sciences de l\'Homme et de la Société, Institut Brestois des Sciences de l\'Homme et de la Société, Institut Brestois des Sciences de l\'Homme et de la Société
2 : Centre de Recherches sur lÁction Politique en Europe
Universite de Rennes 1, Institut d'Études Politiques [IEP] - Rennes, École des Hautes Études en Santé Publique [EHESP], Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6051

En France, si la problématique de l'enfance « anormale » est ancienne à l'école primaire (Muel-Dreyfus, 1975), elle s'est imposée progressivement dans le secondaire avec la massification scolaire. Là où les élèves éloignés des normes scolaires n'atteignaient pas le lycée, une partie d'entre eux y accède désormais, dans un contexte institutionnel d'inclusion scolaire. Ainsi, les lycées et leurs équipes sont amenées à travailler (avec) des élèves qui s'écartent de la norme de l'élève « régulier » (Tardif et Le Vasseur, 2010).

Les lycéen·nes non réguliers sont qualifié·e·s par les agents scolaires de « cas d'élèves ». Ils constituent un ensemble disparate d'élèves du point de vue des problèmes qu'ils posent aux agents : difficultés d'apprentissage, d'orientation, de comportement, non respect de l'assiduité scolaire, etc. Ces difficultés ont des origines diverses que les agents scolaires cherchent généralement à élucider et qui modifient la qualification de la situation de l'élève, elles peuvent emprunter ou non le chemin de la reconnaissance handicap (cognitif, mental).

Depuis les années 1990, l'injonction à mettre l'enfant au « centre du système » puis la montée du paradigme de l'inclusion scolaire (Maroy, 2018) contribuent à propulser l'« adaptation » des parcours comme impératif éducatif. De multiples dispositifs plus ou moins formalisés voient le jour, qui visent à adapter les parcours de scolarité des « cas d'élèves ». L'enjeu du maintien en scolarité ordinaire de nombreux élèves contribue-t-il à transformer la norme de l'élève régulier ? En d'autres termes, dans quelle mesure les normes et instruments de l'inclusion scolaire peuvent-ils transformer les normes dominantes des institutions ordinaires, ici analysées à travers le cas du lycée, institution peu abordée dans les travaux sur le handicap au sens large.

Cette proposition s'appuie sur un terrain mené au lycée Lavoisier, lycée public polyvalent (général, technologique et professionnel) situé dans une ville moyenne d'une région de France. La démarche méthodologique qualitative et compréhensive repose sur des observations menées en établissement et des entretiens semi-directifs (n=40) mené avec des acteurs appartenant à la plupart des catégories de personnels de lycée.

Nous verrons que l'opérationnalisation du mandat de maintien des élèves à l'école suppose une transformation de l'organisation scolaire (1). Le travail autour des « cas d'élèves » peut également impliquer de travailler plus directement la norme de l'élève régulier en acceptant par exemple que des élèves non conformes accèdent aux filières les plus nobles du lycée (2). Néanmoins, l'analyse plus approfondie souligne la prégnance de l'élève régulier comme horizon de travail des agents scolaires (3). On se demandera si les changements attendus et opérés par les agents scolaires n'apparaissent pas comme une manière de maintenir l'institution et son mandat traditionnel plutôt que de les transformer.

 


Personnes connectées : 3 Vie privée
Chargement...