L'inclusion scolaire peut-elle fabriquer de l'exclusion ? Réflexion à partir de l'éducation tournée vers les personnes sourdes, entre institutionnalisation et désinstitutionalisation.
Carlos Dindin  1, *@  , Isabelle Gobatto  1@  
1 : Passages UMR CNRS 5319
CNRS
* : Auteur correspondant

Bien que sous des modalités diverses, l'éducation scolaire occupe une place centrale dans nombre de sociétés et les Etats mettent en œuvre des politiques pour que ‘l'éducation pour tous' devienne une réalité. Cependant les besoins et difficultés des élèves divergent, en particulier lorsque certains ont une déficience, entendue ici comme un problème. Dans les pays européens, plus spécifiquement en France et en Belgique, pays au cœur de cette réflexion, des politiques sont mises en place pour répondre aux besoins liés à ces déficiences, pour des élèves catégorisés en tant que porteurs de handicap. Cette communication questionne particulièrement les politiques d'éducation et conjointement d'intégration tournées vers les personnes sourdes. Ces politiques s'inscrivent dans une volonté de normalisation qui se caractérise aujourd'hui par la mise en place de modèles éducatifs centrés sur l'inclusion. Dès lors, le modèle social retenu repose sur une conception éducative des personnes handicapées calquée sur le schéma retenu pour les personnes valides, parmi lesquelles il s'agit de s'intégrer. Qu'est-ce que ce choix, traduit dans des institutions dédiées, interroge? Quels en sont en particulier les soubassements moraux et avec quels les effets en terme de marginalisation sociale?

Cette communication retiendra trois objectifs pour apporter des éléments de réflexion :

Il s'agira de souligner comment, à travers l'histoire, l'éducation des personnes sourdes a été une guerre perpétuelle d'institutionnalisation et de désinstitutionnalisation. Ce processus sera souligné à travers les représentations des personnes sourdes et de leurs capacités et incapacités, qui se matérialisent au travers des premières institutions pour sourds, réfractant les guerres institutionnelles entre oralistes et signants, conduisant à l'interdiction de l'utilisation de la langue des signes en Europe, enfin par l'implication des personnes sourdes pour un retour de la langue des signes et le respect de leurs droits.

Ensuite, nous interrogerons cette volonté de normalisation sous-jacente aux modèles d'intégration ou d'inclusion, tout en questionnant l'inclusion elle-même et ce qu'elle exprime des manières dont les institutions tentent de réguler la différence. Nous montrerons en particulier la confusion qu'il y a entre les notions d'inclusion, d'éducation inclusive, d'inclusivité et d'inclusion sociale ( Powers, 2002).

Enfin, cette communication invite à penser autrement l'éducation des personnes sourdes via le modèle de l'inclusion en suggérant la possibilité de convoquer d'autres modèles, et leur traduction dans les processus d'institutionnalisation qui ne cherchent pas à inclure les élèves sourds dans des écoles ordinaires mais à l'inverse les élèves entendants dans des écoles de sourds. Le Centre d'Accueil d'Éducation Inclusive des Sourds, situé au Bénin, est une école de sourds accueillant depuis 1994 des élèves entendants. Cette expérience pilote permettra d'ancrer les réflexions.

Enfin, dans une approche d'économie morale, il s'agira d'initier une discussion sur ce que ces phénomènes d'institutionnalisation peuvent induire au-delà de ce qu'ils visent.


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