Handicap : la fin des institutions de prise en charge, vraiment ?
Christelle Achard  1@  
1 : Université de Caen Normandie
Cerrev

L'ouverture des institutions dans le champ du handicap, souvent considérée comme synonyme de désinstitutionnalisation, s'est développée en réponse aux critiques formulées à l'égard d'établissements totalisants de type asilaire. Nous formulerons l'hypothèse que cette transformation des institutions de prise en charge est loin de signifier leur disparition. Nous définirons l'institution comme toute forme de régulation sociale fondée sur des valeurs et des représentations à caractère normatif, mettant en jeu un rapport social de pouvoir, et caractérisée par ses frontières. Nous verrons en quoi les établissements et services chargés de la prise en charge du handicap répondent à l'ensemble de ces critères : dogme de l'inclusion, injonction à l'autonomie, désengagement des acteurs/ désagrégation et fragmentation des prises en charge favorisant le maintien dans une situation de dépendance durable, déplacement des frontières n'empêchant pas la relégation, apparition de nouvelles formes d'institutions hors les murs.

Cette réflexion sera illustrée par la question de la prise en charge de la santé mentale des personnes sans-domicile. La sectorisation de la psychiatrie, à travers notamment la figure centrale des Centres Médico-Psychologiques a marqué un tournant majeur en faveur de la prise en charge en ambulatoire des publics relevant du secteur de la psychiatrie, et entendait mettre fin au modèle asilaire prédominant jusqu'alors. La montée en puissance de la rhétorique de l'inclusion plaide en faveur d'un renforcement de cette logique d'ouverture des institutions, et fait passer les publics du milieu protégé au milieu ordinaire. Pourtant, le développement plus récent des Equipes Mobiles Psychiatrie Précarité apparaît comme l'aveu de l'échec de cette rhétorique inclusive pour les publics les plus fragiles. L'injonction à l'inclusion adressée aux publics s'apparente à une forme de contrainte à « l'auto-contrainte » et légitime le délaissement de la prise en compte des particularités individuelles. La fragmentation des prises en charge fragilise les publics, soumis successivement ou simultanément à une pluralité de prises en charge, ou au contraire à leur discontinuité. En attestent les parcours des publics accueillis en LHSS1/LAM2 ou ACT3, au carrefour des institutions sociales, médico-sociales, sanitaires, psychiatriques voire judiciaires. Enfin, la scission opérée entre santé mentale et handicap psychique vient réaffirmer l'existence de frontières tant symboliques que matérielles. L'inclusion en milieu ordinaire laisse place à une scission des accompagnements entre public dit de droit commun et personnes souffrant d'un handicap psychique: les maraudes donnent naissance aux EMPP4, les pensions de famille voient le développement des résidences accueil, le logement d'abord distingue ciblés sur les individus à troubles psychiques et les autres, les FAM5 et MAS6 se différencient des EHPAD7.

De nouvelles formes d'institutions hors les murs se développent : équipes mobiles et plateformes.

1Lits Halte Soins Santé

2Lits d'Accueil Médicalisés

3Appartements de Coordination Thérapeutique

4Equipes Mobiles Précarité Psychiatrie

5Foyers d'Accueil Médicalisés

6Maisons d'Accueil Spécialisées

7Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes



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