Depuis de nombreuses années, les sociétés occidentales portent un intérêt croissant au handicap sous l'angle de l'accessibilité aux espaces publics, à l'éducation, et à l'emploi (Winance 2016). Il existe néanmoins plusieurs styles de dispositifs institutionnels vis-à-vis du handicap qui diffèrent selon les pays et qui s'inscrivent dans un héritage socio-historique (Ville, Ravaud 2003 ; Ville, Fillion, Ravaud 2014).Dans cette communication, il s'agira de focaliser l'attention sur le cas français, bien que certains exemples américains pourront permetre d'apporter des nuances dans les dispositifs mis en place.
En croisant mes observations ethnographiques et mes entretiens menés auprès de chercheurs en situation de handicap visuel et/ou auditif, issus de divers disciplines et diverses institutions employantes en France, , ainsi qu'en menant des entretiens avec les personnels administratifs de plusieurs institutions, j'ai identifié divers styles d'ingénierie institutionnelle (Ink 2018 ; 2022) concernant le recrutement et l'accompagnement des chercheurs en situation de handicap.
Dès lors, il s'agit de se demander à quelles attentes ces styles d'ingénierie institutionnelle répondent-ils et dans quelles évolutions des politiques du handicap s'inscrivent-ils ?
Premièrement, il conviendra d'identifier les différents styles d'ingénieries institutionnelles qui se traduisent dans les expériences des chercheurs comme des personnels administratifs. Afin d'éviter toute réification de ces modèles institutionnels il s'agira de documenter finement ces expériences et d'examiner de quelle marge d'ajustement dispose chaque organisation pour accueillir et accompagner les personnels en situation de handicap.
Deuxièmement, une montée des critiques concernant les conditions de travail de chercheurs en situation de handicap est observable depuis plusieurs années. Ces critiques portent à la fois sur les modes de recrutement évalués comme « opaques », sur les chutes budgétaires qui fragilisent les conditions de travail des chercheurs recrutés, ou encore sur les impossibilités d'évolutions de carrières. Certaines critiques rencontrent un certain écho et conduisent à des propositions sur le mode de recrutement, les procédures d'inclusion ou les modalités d'évolution ; d'autres ont peu d'impacts et aboutissent à des situations de marginalisation. Il conviendra alors de se demander comment et pourquoi certaines critiques sont vouées à l'échec et d'autres engendrent une transformation du dispositif institutionnel.
En somme, comprendre à la fois ce que les dispositifs institutionnels font aux individus et ce que les individus, par leurs processus de critique font aux dispositifs permettra, d'une part, de saisir la pluralité des ingénieries institutionnelles et leur traduction pratique dans l'expérience des individus et, d'autre part, de comprendre ce que la réflexivité des acteurs peut apporter aux institutions en place.